C’est assez bizarre cette douleur… Cet autre qu’on a aimé a déposé une graine en nous, petite, ronde et noire. Comme une goutte de venin. Germant, grossissant, se nourrissant des années de souffrance, des blessures, des mesquineries. Se développant jusqu’à former un double sombre de nous même. Puis on trouve la force de se séparer, enfin, parce que la douleur est devenue plus forte que les sentiments, plus forte que cet amour mal placé, non mérité, et qu’un sursaut de lucidité nous fait entrevoir que notre survie est la plus importante. On se dit qu’avec le temps, l’amour disparaîtra, et que les blessures cicatriseront. Le temps passe. L’amour disparaît. A la lumière crue de la réalité, on voit l’autre pour ce qu’il était, pour ce qu’il est devenu. Mais le double obscur, lui, est toujours là. Il marche dans nos pas, caché dans notre ombre, se faisant oublier, faisant croire à sa disparition pour mieux revenir. Toujours à nous observer, tapi au plus profond de nous, il attend le moindre faux pas, la moindre peine, le moindre rejet pour reprendre le contrôle de notre corps et de notre âme. S’engouffrant dans la plus petite brèche ouverte dans la confiance en soi, il enserre le cœur dans sa poigne de fer, étreint l’estomac, semant le doute et l’angoisse. Le cœur marque un temps d’arrêt, l’incrédulité d’abord, puis le souvenir, bien présent, de ce mal-être dont on avait cru se débarrasser. Il nous étouffe, nous oppresse et nous laisse pour mort, à genoux. Comme un organe à part entière, fait-il maintenant partie de nous ?
Se donner, s’abandonner, se risquer, mettre tout en jeu, l’affronter et enfin l’oublier.
J’adore ! C’est toi et c’est nous. Bisou caillou genou ouille.
Christèle R.