Eugène est devant sa porte. Enfant, il était déjà là, à courir avec ses copains comme une volée d’étourneaux frondeurs. Ça se chamaillait, ça se bastonnait, ça vivait. Gaillard, Eugène était vitrier. Il battait la campagne, de partout salué. Ici un café, là un godet. Il en a vu des départs. Des décennies de gars en partance vers la ville et ses attraits. Le boucher ne passe plus. Les vieux aux appétits de moineaux, c’est pas rentable, il paraît. Eugène est à sa porte, comme tous les anciens. Ils se parlent de loin, en haussant la voix. Entre eux glissent le vent, la poussière et l’absence. Ces jours-ci ça cancane. Une famille s’installe dans la boutique du Père François. Des étrangers. Ils viennent de Sfireh, près d’Alep. Les gens qui viennent de trop loin, ça fait peur. Ici, dès qu’on passe la Saône y’a méfiance. Mais pas pour Eugène. Ni pour aucun des aînés. Ça va courir, ça va chanter, ça va changer. Avec ces gens-là, c’est le village qui renaît.
Texte écrit dans le cadre du Festival Champ Libre – Micro-nouvelle de 1000 signes maximum.
N’oubliez-pas, vous pouvez me retrouver en conteuse d’histoire longue et passionnante au fil des pages de mon roman « Shana, fille du vent«
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Photo de William Klein
Très beau texte!
Merci Lili 🙂
derien 🙂
Très très beau texte avec une jolie morale.
En 1000 signes au max, tu nous donnes une leçon d’acceptation de l’autre en axe. Le retour sur l’enfance d’Eugène comme point de départ , pour aboutir à l’arrivée des étrangers comme pour dire que chaque être vivant dans cet endroit a eu son point de départ,un message à la peur de l’autre pour lui dire qu’elle est aussi étrangère ,car autant que l’autre on a tous été étrangers un jour. Certains dès la naissance ,d’autres à l’adolescence ,ou même jusqu’au troisième âge et son essence. Par la beauté de l’esprit des vieux qui savent que la présence de ces étrangers sera réjouissance ,ta plume nous procure jouissance, donc nous fait renaitre en silence.
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Bonjour Malick! Quel magnifique commentaire qui exprime si ben ce que je voulais transmettre. Merci de tout cœur!
Je t’en prie ,ton texte m’a vraiment ému.
Bonsoir Carine. En quelques dizaine de mots vous passez un message très fort. Roifortmalik l’a très joliment résumé.